Skip to main content
colors of accordion...

BAYAN APPASSIONATA

баян Аппассионата

Mes rencontres régulières à l’Académie Tchaïkovsky de Kiev (1993-1997) avec l’un des plus grands maîtres du bayan, Vladimir Vladimirevitch Besfamilnov,  nous ont rapprochés aussi bien humainement que dans nos esthétiques musicales et instrumentales. Fasciné par le son et la technologie des instruments Appassionata,  alors que j’avais toujours pratiqué des accordéons de facture italienne, il m’a encouragé à suivre son chemin en jouant sur ce type d’instrument dont il a largement contribué à l’élaboration.

L’aventure commençait ! J’apprenais le clavier russe (rangées inversées, do en troisième rang) en me faisant « la main » sur un premier bayan magnifique rapporté en 1997 (un modèle Appassionata conçu en 1971 pour Evgeny Besfamilnov, frère de Vladimir Vladimirevitch). Mon deuxième disque en solo “Appassionata 1” sera enregistré avec cet instrument. 

En 2000, lors d’un séjour à Kiev chez V.V. Besfamilnov, ému après avoir essayé son fameux bayan à 5 voix main droite (le dernier modèle de Koltchin, conçu en 1987, plus abouti encore avec double piccolo et élargissement des tessitures), Vladimir Vladimirevitch me confie qu’il souhaiterait que son instrument personnel me revienne…

Je suis rentré en France avec l’instrument !”

Bruno Maurice et  Vladimir Vladimirevitch Besfamilnov

Bruno Maurice et Vladimir Vladimirevitch Besfamilnov | Kiev, janvier 2010

PHOTO BAYAN
PHOTO BAYAN
PHOTO BAYAN

Mais quels instruments fascinants!

“Lorsqu’on regarde à l’intérieur, on est saisis par la beauté des bois utilisés, la compacité et la forme très élaborée des sommiers. Tout a été conçu, avec les meilleurs matériaux pour sonner le mieux possible mais aussi pour être ajusté, démonté et réglé facilement. La fine mécanique des claviers, aluminium et titane, est une horlogerie douce, précise et absolument silencieuse.

Je suis en émoi à chaque fois que je prends cet instrument. Il est tellement bien ajusté, aiguisé (comme un couteau japonais!), qu’il est un véritable miroir des émotions.

Lorsque j’enlace mon instrument, l’Appassionata est un océan calme qu’il n’appartient qu’à moi de déchaîner. Tel une mer d’huile, le moindre mouvement crée une onde à sa surface.

Mon maître V. V. Besfamilnov reste assez discret sur l’histoire de l’Appassionata, si ce n’est pour mettre en avant sa passionnante carrière et son implication dans la participation à l’élaboration des modèles. Il a été au cours de sa vie le possesseur de cinq modèles différents dont le premier et le dernier de la série. Il m’a néanmoins confié que selon lui une vingtaine d’instruments de ce type ont été fabriqués entre 1970 et 1989. A la différence des autres modèles, ceux destinés à V.V. Besfamilnov étaient conçus entièrement par Koltchin lui-même.

Grâce aux moteurs de recherche sur internet, j’ai répertorié quatorze instruments de ce type avec photos à l’appui ! J’ai ainsi repéré trois artistes qui jouent sur ce modèle : Anatoli Senine, Christiane Lüders, Paul Zaytsev (Timbre Russian Orchestra).”

Bruno Maurice (extraits de Lettre du musicien, 2017)

Vivaldi – Winter – Timbre Russian Accordion Group (Русский тембр)

Paul Zaitsev au bayan Appassionata et l’ensemble
“Timbre Russian Orchestra”

Dès 1970 Vassili Artiomevitch KOLCHIN conçoit dans la fabrique expérimentale de Moscou et sous la direction de Zinoviev, son nouveau modèle de bayan qu’il nommera « Appassionata » en référence à l’œuvre fétiche de Lénine, la sonate pour piano de Ludwig van Beethoven. En 1971, le premier modèle Appassionata sera la propriété de l’artiste émérite V.V. Besfamilnov (né en 1931). Une vingtaine de modèles seront développés spécialement pour des artistes tels que V.V. Besfamilnov, V. Hapersky, A. Senin et V.K. Petrov. Cet instrument, véritable révolution sur les plans mécaniques et acoustiques, réunit toutes les innovations dans le domaine de la fabrication moderne, ce qui en fait un instrument unique au monde. En 1987, le dernier modèle réalisé pour V.V Besfamilnov représentera le point culminant du savoir faire innovant de Koltchin. Il porte la main gauche à 138 boutons. Sur le clavier droit, à 5 rangées et 64 notes, il porte à 19 le nombre de registres, avec une disposition de 10 registres au menton (mentonnières) à sélection piccolo qui permettent le rappel de 15 registres. Ici, grâce à un savant système de soupapes piccolos « connectées » aux axes des soupapes du clavier principal droit, il ajoute une cinquième voix à la main droite. Il s’agit d’une voix piccolo en boîte de résonance astucieusement disposée à l’arrière du clavier. Ce second piccolo enrichit considérablement le timbre notamment dans les nuances fortes. Comme pour tous les modèles de la série, le déclencheur main gauche est disposé latéralement pour être utilisé avec le pouce. Il renonce à la forme coudée du mécanisme des soupapes dans la zone placée sous le clavier droit. Au niveau de l’axe de rotation des soupapes, il place de fines rondelles en bronze, facilitant le glissement dans le mouvement mécanique. Privilégiant l’utilisation de matériaux légers comme l’aluminium et le titane, le bayan conserve un poids raisonnable de 14kg. Il réduit considérablement la taille de la mécanique du clavier gauche, resserrée et groupée sur deux niveaux. L’espace ainsi libéré permet un enrichissement acoustique énorme. La mécanique des soupapes des basses de la main gauche fait aussi partie des innovations de ce dernier modèle: elles sont conçues pour s’ouvrir de manière transversale. Ainsi, l’air arrive de façon plus régulière et plus dosée. Il en résulte des basses beaucoup dynamiques.

I. Panitsky | V.V. Besfamilnov

I. Panitsky essayant le bayan Appassionata de V.V. Besfamilnov (vers 1980)

Parallèlement à Koltchin, citons un autre créateur d’accordéons, Yuri Volkovitch, qui travaillait en même temps à l’usine expérimentale de Moscou. Volkovitch a crée en 1962 le célèbre modèle de série « Solist » puis le « Jupiter » en 1970, toujours fabriqué aujourd’hui, qui reste le modèle de bayan le plus utilisé actuellement. Autre point : Sur ce type de bayan, il existe généralement un problème acoustique difficile à résoudre, qui gêne l’accordage des voix dans la région de la première octave grave. Vassili Artiemovitch Koltchin arrive à corriger ce problème. Ainsi ce dernier modèle a gardé le poids et le gabarit des modèles précédents Appassionata, mais il a maintenant 5 voix à droite et 3 voix à gauche. Notes à gauche: 69 / Do à sol : 4 octaves / Nombre de boutons : 138 Notes à droite : 64 / Mi à sol : 7 octaves (en comptant l’utilisation des registres).

Malgré sa cécité, Vassili Artiemovitch Koltchin a été contraint de continuer à travailler à la fabrique d’accordéons expérimentale jusqu’à la fin de sa vie (1998). A la chute des régimes communistes en 1989, la production de la série Appassionata s’est arrêtée. Certains détracteurs, individus opposés au régime soviétique, ont voulu étouffer la notoriété de Vassili Artiemovitch Koltchin et de son invention. Beaucoup de fabricants ainsi que ses collègues ignoraient que Vassili Artiemovitch Koltchin avait créé un modèle de bayan unique au monde.

0:00
0:00